Créée dans un esprit de promouvoir la coopération économique et l’intégration régionale entre les pays d’Afrique de l’Ouest, l’ECOWAS CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) n’a pas été exempte de défis, de critiques et de difficultés politiques et diplomatiques en 6 décennies de création.
Les défis et échecs auxquels la CEDEAO a été confrontée comprennent :
1. Crises politiques dans les États membres : Certains membres de la CEDEAO ont connu des périodes de crises politiques, de conflits ou d’instabilité tels que la Côte d’Ivoire, le Libéria, la Guinée, le Mali, le Niger, le Burkina-Faso. La capacité de la CEDEAO à résoudre ces problèmes et à maintenir la stabilité régionale a été mise à l’épreuve.
Tous ces pays sont passés voire passent sous le couperet des sanctions économiques qui affectent durablement les habitants de ces pays. Éloignée de ses principes de résolution de griefs politiques, la CEDEAO est en passe dislocation au regard de l’annonce faite par les pays membres de la récente Alliance des Etats du Sahel (Mali, Niger, Burkina-Faso). La succession des coups d’Etat militaires survenus dans ces pays qui sont d’ordre de mauvaise gouvernance, de népotisme, d’abus de pouvoirs et de tripatouillage des constitutions. Le bruit des bottes a résonné dans les palais présidentiels qui jadis étaient occupés par les civils. Entre dissuasion et pression économique, les différentes conférences des Chefs d’Etat n’ont pas su trouver la formule idéale « pour laver le linge sale en famille ».
2. Interventions militaires controversées : Les interventions militaires de la CEDEAO dans certains pays membres ont parfois été sujettes à controverse comme la défunte ECOMOG qui a servi dans le conflit libérien. Les approches de résolution des conflits ont largement divisé les Chefs d’Etat. Si l’option militaire pour renvoyer dans les casernes les militaires ayant déposé le 26 juillet 2023 le Président Bazoum du Niger semble avoir pris le dessus dès le putsch mené par le Gal TCHIANI, elle fut enterrée très vite compte tenu des risques civile, sociale et sécuritaire que cela pourrait entrainer, notamment dans cette zone sahélienne en proie au terrorisme.
3. Gestion des crises sécuritaires : La région de l’Afrique de l’Ouest est confrontée à des défis sécuritaires majeurs tels que le terrorisme, les conflits intercommunautaires et les activités criminelles transfrontalières qui gangrènent le Sahel. L’expansion de ces fléaux est due à la chute du régime Kadhafi, ce qui a plongé les pays voisins de la Libye dans un sursis, les pays membres de l’#AES en payent un lourd tribut. La CEDEAO est critiquée pour son mutisme face aux affres que subissent les populations de ces pays. Elle s’est décidée de constituer une armée pour sauver le soldat Bazoum des mains des militaires, qu’a-t-elle faite pour accompagner le Niger ou le Mali et le même le Burkina-Faso dans la lutte contre le terrorisme ? Le cynisme et l’incongruité dans les décisions prises vis-à-vis de ces pays ont traitement discréditées cette institution sous régionale, qui jadis faisait la fierté des pères fondateurs. Comment expliquer l’appui financier qu’elle a soudainement décidé d’apporter à ces pays pour lutter contre le terrorisme quand bien même ils sont sous sanction ?
4. Problèmes économiques : Des disparités économiques entre les États membres créent des tensions et des déséquilibres au sein de la CEDEAO. La mise en œuvre de politiques économiques régionales reste un leurre en raison de différences structurelles entre les pays. Le Nigéria, qui est la locomotive de cette institution, porte à elle seule le poids du marché des pays membres. L’axe Lagos- Abidjan stimule largement les échanges commerciaux et régule en partie l’activité économique au sein de la CEDEAO. Disposant de sa propre devise comme le Cap-Vert, le Ghana, la Gambie, le Libéria, la Sierra Léone, la Guinée, ces pays sont en passe d’assumer une intégration monétaire vis-à-vis des pays de la zone Franc CFA. Annoncée tambour battant, la monnaie commune de la CEDEAO baptisé #ECO fait encore son petit bout de chemin dans les tiroirs.
5. Coordination des politiques : Harmoniser les politiques et les actions entre les nombreux États membres est un défi majeur. Les divergences d’opinions et d’intérêts nationaux ont conduit à la naissance des différentes dispositions telles que le Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité Secrétariat Exécutif CEDEAO, signé à Lomé en décembre 1999 et le Protocole additionnel A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de Gestion, de règlement des conflits, de maintien de la Paix et de la Sécurité signé à Dakar en décembre 2001. Les différentes Conférence des chefs d’État et de gouvernement, Conseil des ministres, le Parlement de la CEDEAO, les mécanismes de prévention et de règlement des conflits énumérés dans les documents susmentionnés n’ont permis de raffermir la cohésion au sein de cette institution. La violation des textes au grand dam de la population, l’instauration des pressions politiques telles que la fermeture des frontières, la suspension des transactions commerciales contre les pays en crise ont profondément creusé la « tombe prémonitoire » de la CEDEAO face à ses errements. Vouloir condamner les coups d’État militaires et ne pas lever la voix contre les coups d’État constitutionnel érige tristement la CEDEAO dans une posture de juge, d’arbitre, voire « pompier pyromane ».
6. Gestion des élections : La CEDEAO a été impliquée dans des efforts visant à soutenir des processus électoraux justes et transparents dans la région. Cependant, la gestion de certaines élections a parfois été critiquée, remettant en question l’efficacité des mécanismes de la CEDEAO dans ce domaine. Les uns qui décident de sauter le verrou de la limitation de mandats pour s’éterniser au pouvoir, les autres qui tripatouiller la constitution à la veille des élections pour empêcher les opposants, voire le trucage des résultats des élections, le musellement des opposants, la répression des civils lors des manifestations pacifiques, la liste est longue…
Il est important de noter que la CEDEAO a également réalisé des succès dans divers domaines et a pris des initiatives positives pour promouvoir la stabilité, la paix et le développement économique dans la région. Les défis mentionnés ci-dessus occultent les progrès réalisés.
24 ans après la sortie de la Mauritanie de la CEDEAO, l’annonce des pays de l’AES sur leur sortie de la CEDEAO sonne le glas de cette institution. Il urge plus que jamais de réformer l’institution sur des bases crédibles en commençant par le respect des textes, avoir des discussions franches, sincères pour une CEDEAO des peuples et non une CEDEAO des Chefs d’Etat pour des intérêts inavoués.
Le Sénégal, pays connu pour son exemplarité démocratique sombre dans les méandres anti-démocratiques. Si la CEDEAO saisissait l’opportunité de rappeler les principes face la forfaiture en cours dans ce pays, elle réussirait à redorer son image écornée et relancer sa crédibilité après tant d’errements. L’histoire donnera-t-elle également raison aux coups d’État militaires qui sont largement acquis au dépend des élections crédibles, inclusives ? la CEDEAO continuera t’elle par pondre des communiqués aveugles face aux mutations géopolitiques qui secouent notre ère et devenir une coquille vide de sens ?
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Dramane DJARA, Analyste Géopolitique, Sécurité & Sûreté